Restitution du workshop recherche 2024 par Jade Roumieu, Gwendoline Pillier Manon Pautrat, étudiantes de 4e et 5e année en DNSEP Design mention Design des communs.
Aller-retour entre positif et négatif : Où est le dessin ?
Notre démarche artistique, enracinée dans les techniques de la gravure, explore la dualité entre positif et négatif tout en interrogeant la nature même du dessin. Nous commençons par numériser le geste de la main, le transformant en une matrice tridimensionnelle par soustraction de matière. Ce processus évoque la création d’une plaque de gravure, où le dessin naît dans l’absence, dans le creux de la matière.
Cette matrice creuse devient ensuite un moule pour créer une forme pleine. Le dessin se déplace alors, passant du vide au plein, de l’absence à la présence. L’impression de la matrice creuse produit une image en négatif, une empreinte, tandis que l’impression de la forme pleine génère un positif. À chaque étape, le dessin se métamorphose, oscillant entre le creux et le relief, entre l’invisible et le tangible.
Ce va-et-vient entre positif et négatif, inspiré du processus de la gravure, nous invite à reconsidérer constamment la nature du dessin. Il se manifeste tour à tour dans l’absence de matière, sur la surface de la forme pleine, ou dans l’empreinte finale. Le geste initial se transforme, se dédouble,
se réinvente à travers chaque itération du processus.
En répétant cette démarche, nous créons un dialogue continu entre le plein et le vide. Le dessin se révèle ainsi comme une entité fluide, existant simultanément dans multiple états – dans le geste, dans la matière,
dans l’empreinte. Cette exploration nous permet de repousser les frontières traditionnelles du dessin, en jouant sur les limites entre présence et absence, entre le tangible et l’intangible.
Les premières expérimentations avec le plotter pyrograveur étaient sur du polystyrène. La pointe chauffée du pyrograveur, en contact avec la surface du polystyrène, fait fondre la matière très rapidement. Cette technique crée un effet de gravure en négatif, où le dessin émerge par la transformation de la matière plutôt que par son ajout.
Différentes pointes et embouts ont été testées permettant de varier les effets de texture et de profondeur, et créant des lignes fines ou épaisses, des ombres subtiles ou des motifs complexes.
Cette méthode inverse le processus de dessin traditionnel. Au lieu d’ajouter de la couleur sur une surface claire, le dessin est « révélé » en creusant la surface du polystyrène. Cela remet en question la perception habituelle du dessin, obligeant à repenser la relation entre le trait et le fond, entre le positif et le négatif. Chaque geste du pyrograveur devient une exploration de la limite entre présence et absence.
Ces premières tentatives ont permis de mettre en lumière la problématique de recherche que nous avons exploité tout le reste du workshop
La deuxième partie du projet marque une transition significative dans notre exploration artistique. Après avoir expérimenté avec le pyrograveur sur polystyrène, nous avons étendu notre recherche à un nouveau médium : la céramique. Cette évolution s’inscrit dans notre démarche globale d’interroger la nature du dessin et la dualité entre positif et négatif, tout en explorant les possibilités offertes par différents matériaux et techniques.
Dans cette phase, nous avons adapté le plotter pour travailler avec des plaques de céramique, remplaçant le pyrograveur par des outils de gravure plus conventionnels tels que des pointes et des mirettes. Le plotter a été utilisé pour creuser directement dans la terre, expérimentant avec différents types d’argiles : grès chamoté, non chamoté et faïence.
Cette approche a soulevé de nouvelles questions sur la nature de la trace. L’asymétrie des outils et leur fixité sur le plotter ont produit des effets inattendus, avec des lignes variant en épaisseur selon l’axe de déplacement. Contrairement au polystyrène, l’argile déplacée créait des reliefs uniques, enrichissant notre réflexion sur la matérialité du dessin.
Dans la troisième partie du projet, l’exploration artistique s’est orientée vers une nouvelle dimension : le passage du creux au plein. Cette étape marque une évolution significative dans notre questionnement sur la nature du dessin et la dualité entre positif et négatif.
En utilisant les matrices creuses précédemment créées, nous avons expérimenté avec différents matériaux liquides pour les remplir. Trois types de matières ont été employés : la colle de pistolet à colle, la colle liquide et le mortier. Chacun de ces matériaux possède des propriétés uniques en termes de viscosité, de temps de séchage et de texture finale.
Le processus de coulage a nécessité une attention particulière pour s’assurer que les matières liquides épousent parfaitement les formes et les détails des matrices creuses. Après le temps de séchage approprié pour chaque matériau, l’étape cruciale du démoulage a révélé des formes pleines, inverses des matrices originales.
Cette transformation du négatif au positif a permis d’obtenir des sculptures en relief, chacune portant l’empreinte exacte des gravures initiales, mais cette fois-ci en volume. Les différentes matières utilisées ont produit des résultats variés en termes de texture, de couleur et de solidité, enrichissant ainsi notre réflexion sur la matérialité du dessin et sa transformation tridimensionnelle.
La dernière phase du projet a marqué un retour aux techniques traditionnelles de l’estampe, tout en intégrant les innovations des étapes précédentes. Cette étape finale a permis d’explorer la transition du tridimensionnel au bidimensionnel, complétant ainsi le cycle de transformation du dessin.
Le processus a débuté par l’encrage des matrices, à la fois creuses et pleines, utilisant de l’encre et de la peinture. Cette étape a nécessité une attention particulière pour s’assurer que l’encre pénètre uniformément dans les creux ou recouvre adéquatement les reliefs, selon la nature de la matrice.
L’impression sur papier a ensuite été réalisée en contrôlant soigneusement la pression. Initialement, une pression légère a été appliquée à la main, permettant un transfert délicat de l’encre. Progressivement, la pression a été augmentée, toujours manuellement, pour obtenir des impressions plus prononcées.
Enfin, l’utilisation de la presse à gravure a permis d’atteindre une pression maximale et uniforme, révélant pleinement les détails les plus fins des matrices. Cette gradation de la pression a offert une gamme variée d’impressions, allant de subtiles empreintes à des reproductions intenses et détaillées.
Ce processus d’impression a transformé les sculptures tridimensionnelles en images bidimensionnelles, créant ainsi un dialogue fascinant entre relief et planéité, entre volume et surface.
Glossaire