Le projet « La forme suit l’origine » prend vie en tant que projet de diplôme de Léa Fernandes. Intéressée par l’archéologie, Léa choisit de travailler à partir de récipients en céramique, car c’est un objet qui voyage, porteur d’un contexte de fabrication. Elle part alors du constat que les objets sont l’extension de nos corps et de nos psychismes (note : A. Leroi-Gourhan et S.Tisseron), pourtant leur histoire nous est inconnue. L’accumulation des objets, le fractionnement des savoirs et la chaîne de fabrication de rallonge font que les objets existent, sans que personne ne sache réellement comment. L’acte d’achat du consommateur est une prise de position dans un monde où tel ou tel objet peut être la représentation de conflits sociaux, écologiques et économiques. Or aujourd’hui, le consommateur agit aveuglément.
Comment, par un projet manifeste à l’échelle du designer, rendre visible un certain nombre de ces contradictions pour renforcer les interrogations de chacun ?
À travers un logiciel de programmation visuelle,Léa a pensé des algorithmes générateurs de formes en fonction de paramètres et de données qui définissent l’objet. En résulte une série de formes de carafes manifestes dont la forme et l’usage sont directement impactés par les données de fabrication. « La forme suit l’origine » prend alors tout son sens.
Comment sortir ces méta-objets de leur contexte numérique, et les matérialiser en céramique ? Le choix de l’impression 3D céramique s’est imposé naturellement par la liberté de formes qu’elle permet. Cette technologie encore assez discrète a été acquise par l’ESAD Orléans cette année, en prévision du workshop du Projet de Recherche en Art et Design “Objects, Crafts and Computation” (PAD OCC).
Début septembre 2020, une équipe d’étudiants en master 1 et 2 s’est formée autour de Léa et de l’imprimante 3D céramique, afin d’apprendre à l’utiliser et de commencer la production des carafes. Luiz Carvalho, Emmanuel Hugnot et Agathe Baudin ont mené les nombreuses expérimentations nécessaires à la compréhension et à l’appropriation de cette technologie. La céramique est un matériau vivant et fluctuant selon les températures extérieures, l’humidité de l’air ou encore le pourcentage d’eau contenue dans la terre, des impressions réussies sont beaucoup plus compliquées à obtenir que pour une imprimante plastique. Un protocole d’impression a rapidement été mis en place, afin de noter les erreurs et d’en déduire les réglages et les fluctuations liées à la qualité de la terre. De même, les étudiants ont assuré une veille technologique qui a permis de contacter différents concepteurs utilisant cette machine, selon la logique des communs. Chaque expérimentation a été photographiée et gardée afin de comprendre les erreurs et de montrer ultérieurement le processus. Les données récoltées lors des impressions ratées ont permis la conception d’un nouveau manuel d’utilisation de la machine afin de compléter la chaîne de transmission. L’exposition Uncool Memories #2 a été l’occasion de montrer ce processus d’appropriation et de partager cette technologie aux autres étudiants, professeurs et public. Ainsi, le manuel augmenté sera disponible en open-source, accompagné de croquis et des protocoles mis en place pour s’approprier le processus.
A l’origine, projet d’une seule personne “La forme suit l’origine“ s’est transformé en projet de groupe et a permis à quatres étudiants de s’approprier et de maîtriser l’impression 3D céramique, et de participer à l’exposition Uncool Memories #2. Ce projet est un exemple de la transmission de connaissance et de l’apprentissage en école d’art et de design.