Durant le mois de la recherche 2023, le programme Objects, Crafts & Computation s’est attaché au développement du projet « Data_vessel », initié en 2020 et financé en 2022-2023 par le Ministère de la Culture dans le cadre de l’appel à projet « Recherche ».
Les étudiant.e.s du programme, de la 4ème année au DSRD, ont formulé différentes variations conceptuelles et formelles des trois composantes du projet Data_vessel : l’urne, l’oya et la stèle. Ce processus de recherche s’est construit en trois étapes, articulant une première étape de dessin, puis de modélisation et enfin de réalisation en atelier céramique.
Guy Mensah
Pour la stèle, l’idée est que ce qui reste de la personne défunte sont les souvenirs au travers des émotions qu’on a pu partager avec elle. Ici, la stèle révèle par les récits des proches de la personne défunte, les émotions qu’ils ont partagées avec elle.
Pour concevoir l’urne et l’oya, le même principe est conservé en prolongeant l’idée dans une continuité avec l’eau que l’on vient déverser dans la stèle et qui s’écoule dans l’oya. Les larmes recèlent nos émotions les plus fortes, symboliquement la stèle devient l’œil duquel vient couler une larme.
Justine Gomez et Marie Alonso
L’idée pour la conception de l’oya a émergée en deux temps. Tout d’abord, celui de notre rapport aux corps féminins (courbes/rondeurs). Puis, celle de l’empreinte où les données découlent d’une partie du corps du défunt et de l’entourage ( mains/bras/ pieds/jambes…). Ces empreintes servent à générer une forme pour modéliser l’oya, celui-ci symbolise un retour à la maternité, fécondité, une forme qui évoque l’emprise de la personne défunte.
Batiste Wavrant
A partir de la photographie d’un iris l’extension GrassHopper du logiciel Rhinoceros permet de générer une forme en trois dimensions. Cette modélisation reprend tous les détails de l’iris en interprétant les nuances de noir et de blanc pour créer les volumes. Par la suite, cette modélisation a permis d’imprimer l’iris en PLA grâce à une imprimante 3D. L’objectif principal de cette impression est de créer un moule en plâtre afin de faire des tirages en céramique.
L’iris est une forme intéressante pour générer la stèle du projet Data_vessel à plusieurs égards. D’une part, formellement la forme de l’iris s’intègre parfaitement au cahier des charges de par sa forme arrondie et le trou en son centre. D’autre part, la portée symbolique des yeux comme miroir de l’âme trouve une résonance avec un projet de stèle funéraire.
Vincent Leprince
En prolongation avec le travail de Batiste Wavrant et son travail sur l’iris, l’idée est de reprendre la texture de la stèle pour les transposer sur l’oya et l’ urne. Un travail qui met en opposition une forme très classique de l’oya et un processus de création contemporain réalisé à l’impression 3D céramique.
Jade Roumieu
Le data-artist Nicholas Rougeux utilise le cercle des gammes pour représenter des partitions de musique circulaire. L’idée inspirée de son travail est de reprendre sa technique de points (notes fortes, longues) pour créer des excroissances (petit point = petite dune). La stèle représente la musique préférée du défunt, une musique qui nous le rappelle, qui lui rend hommage.
Les oyas reprennent la forme conique de ceux vendus dans le commerce en étant plus ou moins allongés. L’urne est sphérique et scellée à la cire afin qu’elle flotte dans l’oya. Lorsque l’oya est pleine d’eau l’urne apparaît et lorsque l’eau vient à manquer elle disparaît. Symboliquement, l’idée est d’associer l’absence de l’eau et la disparition de l’urne.
Manon Pautrat
L’idée de départ pour la conception de la stèle est le dessin d’une ligne qui matérialise la durée de vie du défunt. Tout d’abord, la ligne sous la forme d’une spirale est plus ou moins dense en fonction de de son temps de vie. Ensuite, en fonction des événements connus de la vie du défunt cette ligne peut être plus ou moins large, creuse, ponctuée de points…
Un seul objet avec deux compartiments constituerait le binôme oya-urne. La forme du haut accueille l’urne sans que celle-ci ne puisse tomber au fond. La forme du bas quant à elle constitue la partie poreuse de l’oya. L’urne qui est posée à l’intérieur de l’objet a une forme de “haricot” qui permet de la poser au fond de la partie supérieure sans boucher le passage entre les deux parties.
Romane Salou
Alors que les précédentes recherches séparaient l’oya, l’urne et la stèle en trois entités distinctes, cette séparation peut être considérée comme une occasion manquée. L’idée ici est de concevoir un objet unique pour la stèle, l’oya et l’urne. La forme de l’objet concentre la recherche concernant différentes espèces de champignons, des lamelles et des chapeaux. L’analyse de la forme des champignons a été la boussole permettant de proposer une variété de formes.
Maëlle Guillemet
La stèle est inspirée du Khipu, un objet qu’utilisait l’administration inca pour le recensement des données statistiques concernant l’économie et la société de l’empire. Elle repose sur l’idée que le défunt continue à vivre au travers des moments qu’elle/il aurait partagé avec ses proches. La forme circulaire de la stèle est ponctuée par un certain nombre de sillons se rejoignant au centre de celle-ci, irriguant ainsi l’oya. Chaque sillon correspond à un proche du défunt et est marqué par des alvéoles circulaires plus ou moins grandes. Chacune d’elle marque un moment partagé avec le défunt et leur taille, l’importance de ce moment. Ainsi, l’oya est nourri par chaque moment que le défunt à vécu avec ses proches, tout comme le défunt lui-même à été nourri de son vivant par ces même moments.
En ce qui concerne l’oya elle-même, elle se voulait générique et peu ornée. Deux propositions ont été exploitées : une dénuée de tout motif et une seconde revêtant le motif de sillon déjà présent sur la stèle.
Adrien Hoffmann
La forme de la stèle est générée à partir de l’ADN du défunt. Après une première étape de recherche sur l’adn, se sont les chaînes ACGT qui ont été choisies pour modéliser la stèle. Il est possible de traduire formellement ces données en formalisant un paysage vallonné sur la stèle
L’oya s’inspire des formes des doubles hélices de l’ADN pour créer une forme creusée où des racines d’osier pourraient se développer. L’osier se propageant de l’oya à la stèle permet aux personnes visitant le défunt de les tresser, continuant par le geste du tressage à s’occuper de leur défunt.
Karel Edmond
L’idée est de conditionner la forme de l’oya à la nécessité de micro porosité. Cette obligation a conduit à un travail sur le motif qui à certains endroits laisserait apparaître moins de matière pour faciliter la libération du contenu de l’oya. Ce motif s’inspire du Diploria labyrinthiformis, un corail qui rappelle la place de l’eau dans le passage vers l’au-delà dans certaines croyances. Il y a aussi un parallèle symbolique entre l’état du corail lorsqu’il meurt devenant progressivement du sable et nous qui devenons poussière.
Ibtissem Bernaudin
La stèle et sa durabilité s’inspirent de l’ histoire du cyclope de Tinguely. La stèle est modélisée à partir d’un message sonore laissé par le défunt.
Le message est dans un matériau durable dans le temps tandis que le support est dans un matériau éphémère, contenant des graines, qui vont pousser et former la délimitation de la stèle. Comme si le défunt revivait par le biais des plantes.
L’oya et l’urne arrivent dans la continuité de la démarche florale et naturelle. Leurs formes résultent d’une extraction de motif de graines par le logiciel Grasshopper.
Maëva Carvalho
Pour ce projet, la forme de l’objet s’inspire du linceul. Pour rappel, le linceul est une pièce de toile entourant le mort avant de le déposer en pleine terre. L’acte d’envelopper avec du tissu fait écho à la protection du défunt mais il s’agit également d’un moyen permettant de conserver l’anonymat de l’individu.
Pour cela, la forme d’une oya simple est utilisée comme patron sur laquelle on enveloppe un tissu de manière à la recouvrir mais aussi à former la stèle avec l’excédent de matière. À travers ce procédé, la stèle et l’oya sont réunies afin que ces deux objets soient en harmonie. Ainsi, un jeu sur le drapé permet de réaliser des pièces uniques et propres à chaque défunt. L’impression 3D céramique est effectuée à la suite d’un scan 3D de cette forme générée à la main.
Chloé Le Fel
Tout d’abord, la forme de l’oya a émergé à la suite d’une réflexion sur l’idée d’une sépulture commune à deux personnes, comme il existe déjà dans les cimetières traditionnels. En parallèle, on a effectué des recherches sur l’articulation entre l’oya et l’urne.
Enfin, d’un point de vue formel, l’objet se compose de deux trous et de deux contenants. Cet objet est passé par plusieurs évolutions pour explorer les liaisons, les formes, les courbes…
Amélie Sanson
L’oya enterrée est destinée à alimenter un arbre planté à ses côtés. Celui-ci développe ainsi au fil du temps ses racines autour du réservoir d’eau souterrain. Inspirée par la résonance formelle entre les vaisseaux sanguins et le réseau racinaire des plantes, cette forme d’oya fait échos à un cœur humain. Les reliefs creusés à la surface de l’objet suivent un motif organique pouvant être généré de manière paramétrique. Ils invitent les racines à s’emparer de la forme.
Collectif Kaïros
À partir de l’enquête Au bonheur des morts de Vinciane Despret, nous faisons l’hypothèse que les morts prolongent leur existence à travers le récit de leurs proches. Par le design, nous interrogeons la manière dont ces récits immatériels peuvent prendre corps dans la matière et former un objet de commémoration. Faisant suite à une démarche de recueil de témoignages de personnes touchées par le décès d’un proche, ces trois stèles présentent différentes hypothèses formelles générées à partir de données sonores. Chaque stèle est produite à partir d’un algorithme créé dans GrassHopper puis imprimée en 3D.
Photographies : Sabrina Mahindakumar