Collectif Kaïros

Kaïros

Le point de départ du projet Kaïros est un constat sociologique. L’époque moderne nous a rendu esclaves de l’heure, d’un temps mesuré, calculé, fragmenté. Suite à la lecture d’ouvrages du philosophe et sociologue Hartmut Rosa, les designers Eva Vedel, Manon Souchet et Amélie Samson ont développé un point de vue critique sur la conception de notre temps contemporain : le chronos. Chronos est le dieu grec du temps objectif, le tic-tac du chronomètre, le temps qui nous fait courir, celui que l’on cherche et qui nous manque.

Comment revenir à une perception plus souple d’un temps non-fractionné sans être soumis à cette représentation mathématique ? C’est ainsi qu’a commencé la recherche d’une horloge chaotique, une anti-horloge. Un objet contemplatif en perpétuelle métamorphose qui nous « donne le temps » et nous encourage à se le réapproprier, à entrer en résonance. Un objet qui assume une posture performative, qui résonne avec le milieu et l’utilisateur.

Les conceptrices du projet se sont d’abord intéressées au principe de capillarité pour représenter le temps par changement d’état progressif. En suivant le fil de leurs expérimentations, elles ont retenu l’idée de créer une vasque à remplir d’eau dans le but de submerger un paysage qui réapparaît peu à peu au cours du temps. Le temps de cet objet est incertain : l’eau s’en évapore à différentes vitesses en fonction des caractéristiques externes (humidité, pression, température) et internes par l’absorption du paysage en faïence non émaillée.

Un algorithme de Lichtenberg a été utilisé pour modéliser la propagation de l’eau dans la matière. À chaque itération, l’algorithme génère un paysage unique qui est ensuite imprimé en 3D et dont l’empilement des couches successives évoque les strates géologiques. Les conceptrices, en se laissant dépasser par un code informatique prenant vie sous leurs yeux jusqu’à créer un paysage, sont devenues à leur tour contemplatrices. La donnée est leur un matériau, leur rapport à la forme s’inscrit dans la discipline de la data-physicalisation. Ainsi un deuxième algorithme produit la forme de la vasque à partir de données caractéristiques de la terre utilisée. La forme informe, elle résonne avec le matériau qui résonne à son tour avec le milieu.